LES CHICAHAS OU TÊTES-PLATES 2ème PARTIE
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Bienville trouvait difficilement
des soldats chactas pour soumettre les Chicachas après plusieurs attaques
de ceux-ci. Plutôt que d'être intimidés, les Chicachas étaient de plus en
plus déterminés à commercer avec les Britanniques. Seuls, les pro-français
restaient silencieux. Les problèmes majeurs vinrent quand les Chicachas
exécutèrent un marchand français comme espion en 1720. Les marchands
français et britanniques passèrent l'information à leur gouvernement;
ceux-ci eurent des doutes quant à sa culpabilité. Pourtant, les Chicachas
avaient toujours toléré ces marchands et la mort de ce soit-disant espion
indiquait qu'ils étaient las de cette guerre silencieuse que les Français
leur menaient sur le sentier des marchands. La guerre contre les Chicachas
(1720-1725) commença.
Les Français armèrent les Chactas et les envoyèrent contre les Têtes-Plates mais les villages fortifiés étaient difficiles à attaquer et il y avait peu de résultats. Ils encouragèrent également les attaques par leurs alliés, au nord de la rivière Ohio, de caravanes britanniques sur les sentiers commerciaux. |
Cela avait aussi peu d'effet et amenait des conflits avec les Chéraquis et les Crics supérieurs qui n'appréciaient guère ces combats sur leur territoire. Les Chicachas réagissaient en attaquant les villages chactas et les nouveaux établissements français sur la rivière Yazou. Leur idée de génie fut d'occuper le promontoire chicacha (Chicasaw Bluffs, près de Memphis) qui surplombait le Mississipi pour bloquer le trafic français vers le Bas-Mississipi en 1723.
Ceci coupa en deux la Nouvelle-France et arrêta toute communication et tout commerce entre le Canada et la Louisiane. Après cette victoire sur les Français et leurs alliés, les Têtes-Plates usèrent de diplomatie. A l'incitation des marchands britanniques qui avaient repris l'avantage sur les Français avec des produits moins chers et de meilleure qualité et qui cherchaient de nouveaux clients, les Chicachas offrirent une paix séparée aux Chactas, les meilleurs alliés des Français. Les Chactas, las de cette guerre, furent intéressés par le commerce avec les Britanniques. Les Français furent contre pour des raisons évidentes. Les Chactas persistèrent et après un an de discussions, les Français durent se plier à la volonté de leurs alliés peu enthousiastes. En 1725, ils abandonnèrent leurs embuscades sur le sentier des marchands et une paix difficile s'installa dans le Bas-Mississipi.
En plus de cela, quarante familles chicachas acceptèrent l'invitation britannique de quitter les bords du Mississipi où ils subissaient les attaques des alliés des Français du nord de l'Ohio, pour s'installer en Caroline du Sud sur les bords du fleuve Savannah. Leur mission était de protéger les caravanes britanniques de l'est. Ils servirent comme éclaireurs pendant la guerre de 1739 avec les Britanniques contre les Espagnols en Floride. On leur octroya une réserve en Géorgie près d'Augusta. Ils restèrent là jusqu'à la confiscation de leur terre en 1783 par la Géorgie parce qu'ils avaient aidé les Espagnols à défendre Pensacola d'une attaque britannique. Après être restés quelque temps parmi les Crics supérieurs, la plupart retournèrent sur les bords du Haut-Mississipi.
John Law |
Les confrontations entre Français et Chicachas se raréfièrent. Toutefois, l'escalade reprit après le "plan du Mississipi" établit par John Law, le financier écossais directeur de la Banque de France, pour développer le Bas-Mississipi. Celui-ci n'eut pas de problème pour trouver des investisseurs français. Le projet tourna en banqueroute en 1725, celle-ci due à une trop forte spéculation. Avant ce désastre financier, il eut le temps d'accorder de grandes exploitations à des immigrants français et allemands (presque deux mille) sur les bords de la rivière Yazou ainsi que huit lieues carrées à (aux) Natchez.
Ils amenèrent aussi cinq cents esclaves noirs pour défricher et cultiver la terre. La malaria et la lèpre amenèrent la misère dans la région. |
Les nouveaux colons avaient été bien accueillis par les tribus de la région et celles-ci déplacèrent leurs villages près des établissements français. Les problèmes arrivèrent bientôt quand un soldat français tua un Natchez pour une histoire de dette à (au*) Fort Rosalie. Une attaque natchez fit deux morts français et précipitèrent les autres à l'intérieur du fort. Les Français avaient déjà négocié la paix mais Bienville, nommé gouverneur par Law attaqua une ville natchez avec sa petite armée, la brûla et prit leurs chefs en otages.
Les problèmes furent résolus, mais les relations entre les Français et les Natchez ne furent plus les mêmes après ces évènements. Sur ce point, les Chicachas gardèrent des relations amicales avec les Natchez, "les laquais des Français", à travers leurs guerres avec les autres tribus de la région. Les Têtes-Plates pensèrent que si les Français armaient leurs ennemis chactas, ils pourraient pousser les Natchez à attaquer les Français dès qu'un évènement mettrait le feu aux poudres. Celui-ci arriva quand le commandant de Fort Rosalie, Sieur de Chepart, demanda que des Natchez abandonnent un village ayant un tertre sacré pour installer des colons. Le capitaine Etcheparre chargé de l'opération s'emporta et insulta les Indiens, ceux-ci humiliés ourdirent un complot. En novembre 1729, les Natchez révoltés, attaquèrent Fort Rosalie et Fort Pierre (un peu plus au nord) et firent plus de deux cent trente-huit victimes dont trente-six femmes et cinquante-six enfants. Les hommes furent mutilés ou torturés. Une vingtaine de colons s'échappèrent en traversant le fleuve à la nage. Les Yazous égorgèrent dix-sept hommes de Fort Saint-Claude. Commandés par le chevalier de Louboey, les Chactas qui détestaient les Natchez, attaquèrent quatre villages et délivrèrent soixante Françaises et cent nègres. L'ennemi bloqué dans leurs forts fut canonné. Les Natchez empalèrent des enfants captifs sur les palissades. Suite à une tractation, ils remirent aux Chactas femmes, enfants et nègres en échange de la levée du siège.
La politique française en ce temps-là, envers les tribus ennemies, prit un aspect ressemblant à un génocide. L'année précédente, ils avaient décidé d'annihiler les Renards (seconde guerre des Renards 1728-37) dans les régions des Grands Lacs et leur réponse au massacre de Fort Rosalie fut que les Natchez devaient subir le même sort. Ils rassemblèrent une armée, incluant mille cinq cents guerriers chactas et tunicas à la Pointe Coupée en Louisiane et remontèrent le Mississipi en amont jusqu'aux villages natchez. Les Natchez s'étaient préparés et s'étaient réfugiés dans un fort avec des murs si épais que les canons français ne purent le démolir. Il y avait déjà un doute que la responsabilité du soulèvement était due aux Britanniques et les railleries venant de l'intérieur du fort disant que les Chicachas et les Britanniques viendraient détruire les Français, semblaient le confirmer. Mais les Têtes-Plates et les Anglais ne vinrent pas et les Français ne purent pas prendre le fort. Les négociations commencèrent pour relâcher les femmes et les enfants. Pendant ce temps, les Natchez se glissèrent hors du fort et se sauvèrent. Les guerriers chactas et chactchiumas interceptèrent un groupe essayant de rejoindre les villages chicachas. Ils en tuèrent cent cinquante et libérèrent une grande partie des femmes françaises, des enfants et des esclaves noirs. Les Yazous alliés des Natchez dans le soulèvement furent tués. Le plus grand nombre des Natchez s'étaient réfugiés sur une île du Mississipi; les Français les encerclèrent et les bombardèrent sans merci aux canons. Ils furent tous tués. Les alliés caddaux firent prisonnier un autre groupe de Natchez à (aux*) Natchitoches et ceux-ci furent ensuite déportés à Saint-Domingue comme esclaves. Mais deux cents guerriers réussirent à se réfugier chez les Chicachas qui continuèrent leurs raids contre les tribus alliées des Français. Encouragé par leur victoire sur les Renards1 dans l'Illinois en 1730, le gouverneur Étienne Périer ordonna aux Chicachas de rendre les Natchez vivant parmi eux et renouvelèrent leur demande pour que cesse leur commerce avec les Britanniques. Après qu'ils aient été lents à répondre, ils refusèrent l'une et l'autre demandes. Périer, pour appuyer sa demande, fit brûler trois prisonniers chicachas par les Chactas. Toutefois, forts de leur expérience précédente avec les Têtes-Plates et des Chactas, les alliés peu enthousiastes qui voulaient commercer avec les Britanniques, les Français se tournèrent vers leurs alliés du nord de la rivière Ohio: les tribus ouabashs (Ouéas, Piancachas, Quicapoux), les tribus de Détroit (Pétuns, Outaouais, Odjiboueks et Poutéouatamis).
Indien renard |
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Indien Pétun |
Les Français bientôt apprirent jusqu'à quel point leur ennemi chicacha pouvait être entêté. A l'inverse des Natchez, les villages des Chicachas n'étaient pas sur le Mississipi mais sur les collines accidentées qui étaient éloignées et difficiles à attaquer. En plus de cela, les Têtes-Plates étaient lourdement armés et avaient des fortifications imprenables. Il aurait fallu une grande armée équipée de canons et lourdement équipée pour en venir à bout. Les Chactas ne voulant plus attaquer les Chicachas, les Français envoyèrent leurs alliés du nord effectuer des raids punitifs pendant quelques années mais ceux-ci avaient de lourdes pertes et les raids de représailles des Chicachas firent du sud de l'Illinois et de l'Indiana actuel une vaste zone de guerre. Ils décimèrent les tribus des Illinois et les tribus ouabashs. En même temps, les Têtes-Plates attaquaient des groupes chactas et proposaient la paix à d'autres. En 1733, les Chicachas étaient en mesure de conclure une paix séparée avec les Chactas du nord. L'année suivante, les Chicachas fermèrent le fleuve Mississipi au commerce français.
1 Les Renards ou Mesquakies sont des Indiens vivant dans le Wisconsin.
Natchez se prononce natché.
*On disait "les Arkansas, les Illinois" pour désigner les régions et on mettait un article défini devant les noms de lieux; ces expressions sont toujours employées de nos jours par les francophones.