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LA VALLÉE DE L' OHIO

La rivière Ohio avait une importance stratégique capitale. La Salle avait descendu cette rivière pour rejoindre le Mississipi et le Golfe du Mexique. Les régions qui bordaient l'Ohio se situaient entre la Nouvelle-France et la Louisiane. Mais les colons anglais convoitaient également cette région au-delà des Appalaches. Les possessions françaises comprenaient tout le bassin du Mississipi, les Grands Lacs et le bassin du Saint-Laurent. Les Français et les Britanniques se disputèrent alors les régions au sud du Saint-Laurent et au sud des lacs Ontario et Érié (aujourd'hui le nord de l'état du New York et l'ouest de la Pennsylvanie). Les Français devant protéger ces territoires des vues britanniques construisirent des forts: Fort Carillon au bord du lac Champlain (New York) et d'autres forts sur les bords des rivières Ouabash et Ohio. Les Anglais de leur côté construisirent leurs propres forts comme celui d'Oswego et des colons s'y s'installèrent. En 1750, des représentants Français et Anglais se rencontrèrent à Paris pour régler ces différents territoriaux mais en vain. En 1752, le marquis de Duquesne (ou du Quesne) gouverneur général de la Nouvelle-France fut chargé d'écarter toute présence anglaise dans la vallée de l'Ohio. Il envoya des troupes en Pennsylvanie de l'ouest où furent érigés le Fort de la Presqu'île sur le lac Érié et le Fort de la Rivière aux Bœufs. Robert Dinwiddie, lieutenant-gouverneur de la Virginie octroya des terres à des Virginiens, ceci devant conduire inévitablement à un conflit.

Dinwiddie envoya un jeune officier virginien nommé George Washington porter une lettre aux Français leur demandant de quitter la région. Il essuya évidemment un refus mais sur le chemin du retour, il eut l'idée de construire un fort à la jonction des rivières Alleghany et Monongahélia. En 1754, les Anglais commencèrent la construction d'un fort comme l'avait conseillé Washington appelé Fort Prince George mais les Français intervinrent, s'emparèrent du fort en construction et chassèrent les militaires puis finirent les travaux. Les Français l'appelèrent Fort Duquesne (Pittsburgh). Les civils anglais restèrent et s'accommodèrent de la présence française.

Les Britanniques envoyèrent le général Braddock et trois mille soldats anglais et néo-anglais sur Fort Duquesne pour le détruire. Washington faisait partie de l'état-major comme colonel aide de camp. L'armée anglo-américaine avait dix lourds canons qu'il fallait traîner dans les bois; la troupe progressait lentement.

Le commandant de Fort Duquesne, Claude-Pierre Pécaudy de Contrecœur décida d'attaquer l'ennemi avant qu'il ait atteint le fort. L'armée française commandée par Daniel Liénard de Beaujeu était constituée de cent huit soldats de Marine, de cent quarante-six miliciens canadiens et six cent trente-sept Indiens commandés par Charles Langlade

L'armée anglaise de Braddock était constituée de mille quatre cent cinquante-neuf soldats réguliers, de cinq cents miliciens américains constituant l'avant-garde et de huit cents soldats coloniaux. Ils partirent de Fort Necessity situé à trois lieues de Fort Duquesne et se déplacèrent sur une colonne. Le 9 juillet 1755 eut lieu la bataille de Monongahélia.

Indien Outaouais

Les Indiens français cachés dans les bois tiraient sur les soldats anglais glacés d'épouvante par les cris de guerre de ceux-ci. La bataille fut terrible, des centaines d'Anglais furent fauchés par les salves venant des bois. La confusion était indescriptible, Braddock fut mortellement blessé et les Anglais finirent par battre en retraite, oubliant leurs blessés. Le butin laissé par l'ennemi était considérable, des pièces d'artillerie, des munitions, cinq cents chevaux et cent bœufs.

 

Les alliances entre Français et Indiens s'effritèrent après la suspension du commerce des fourrures décidée en 1696 par le roi Louis XIV dans les régions des Grands Lacs. La guerre éclata entre la France et la Grande-Bretagne en 1701 et la loyauté de la plupart des alliés indiens était douteuse, ceci dû à l'avancée des marchands britanniques et iroquois; les Français avaient besoin de leurs alliés indiens pour défendre le Canada et la Louisiane depuis que les Anglais étaient plus nombreux qu'eux en Amérique du Nord. Pour cette raison le roi autorisa l'établissement d'un seul nouveau poste de commerce pour retenir l'allégeance des tribus des Grands Lacs. En juin, Antoine Laumet, Sieur de La Mothe-Cadillac arriva au Détroit et commença la construction de Fort Pontchartrain et invita les Outaouais et les Pétuns à s'établir à côté. N'ayant qu'un seul poste pour se défier des commerçants britanniques, Cadillac était forcé d'inviter toujours plus de tribus à venir s'installer à Détroit et cette concentration épuisa rapidement les ressources de la région. Même les Indiens enclin à l'amitié comme les Outaouais, les Gens du Pétun (Wyandot) et les Odjiboueks se querellaient avec d'autres tribus.

Quand Cadillac installa mille Renards venant du Wisconsin avec leurs alliés mascoutins et quicapoux, ce fut la goutte qui fit déborder le vase. Au printemps 1712, les Outaouais et les Poutéouatamis prirent les choses en main en attaquant une partie de chasse des Mascoutins. Ceux-ci et leur allié renard préparèrent une réaction et les Français essayèrent de les arrêter. Ne supportant plus les Français, les Renards attaquèrent Fort Pontchartrain commençant la première guerre des Renards (1712-16). Les Français étaient pris au piège dans leur fort quand d'autres tribus arrivèrent et tombèrent sur les Renards par derrière. Très peu de Renards réussirent à échapper au massacre qui s'ensuivit et rejoindre la retraite mascoutine et quicapoux au Wisconsin.

La guerre des Renards était une guerre civile dans l'alliance française et les Iroquois devaient être ravis de voir leurs ennemis se battre entre eux. Les Français offrirent la paix aux Renards après leur échec de venir à bout des villages fortifiés en 1716. Ceux-ci acceptèrent mais la haine attisée par la guerre perdura. Malgré les essais infructueux des Français de rétablir la paix entre les Indiens, les confrontations continuèrent.

Avec la fin des restrictions du commerce des fourrures en 1715, les Français ouvrirent une série de postes: Mackinac, La Baye-Verte, Ouiatenon, Chéquamégon, Saint-Joseph, Pimetoui, Miamis, Niagara, de Chartres et Vincennes mais le dommage était fait. La compétition avec les Britanniques s'intensifia et après l'ouverture du poste d'Oswego (Etat actuel du New York) sur le territoire des Iroquois en 1727, quatre-vingt pour cent des fourrures de castor sur le marché d'Albany venaient des alliés des Français. Le chef pétun Orontony fut le premier à rompre avec les Français et à commercer avec les Anglais. En 1748, il brûla un poste de commerce français et demanda aux Pétuns de Détroit de le rejoindre. Son action prit fin avec sa mort mais une plus dangereuse conspiration survint, formée par le chef miami Mémeskia. Les Miamis avaient rejoint la révolte d'Orontony contre les Français et avaient signé un traité de commerce à Lancaster (Pennsylvanie). 

Une épidémie de variole sévit dans la vallée de l'Ohio et dans les régions des Grands Lacs et de nombreux guerriers indiens de l'armée française furent touchés pendant la guerre de sept ans contre les Anglais (1755-63) jusqu'à la défaite des Français en 1759. Les Britanniques avaient vendu des couvertures infectées de variole aux alliés des Français1.

Chef Pontiac

Un nouveau mouvement religieux centré autour des enseignements du prophète delaware Néolin (l'Illuminé) naquit. Depuis son village près de la rivière Ohio, Néolin prêchait le rejet du commerce des biens et le retour aux valeurs traditionnelles des Indiens. Les Britanniques le traitèrent comme un imposteur mais gagna à sa cause les Loups (Delaware) puis ses idées se propagèrent parmi les autres tribus. Les Loups étaient respectés comme "grands-pères", leur tribu étant à l'origine de toutes les tribus algonquines mais ceux-ci n'étaient pas membres de la vieille alliance française et n'avaient pas de crédits politiques pour prendre la tête d'une révolte. Mais les Outaouais avaient ces crédits et le plus important adepte de Néolin était leur chef Pontiac2 né de mère odjibouek. Il était 

aussi le chef d'une société religieuse qui guidait la plupart des tribus des Grands Lacs. Espérant rétablir le pouvoir de la France, Pontiac fit des enseignements de Néolin une religion anti-britannique. L'hiver suivant, il envoya des messagers dans toutes les tribus de la vallée de l'Ohio et des Grands Lacs portant des ceintures de guerre et demandant leur soutien. Quand un chef outaouais parlait, tout le monde écoutait. Pontiac obtint l'engagement des Outaouais, des Odjiboueks, des Quicapoux, des Illiniouks, des Miamis, des Poutéouatamis, des Loups, des Tsonnontouans, des Chouanons et des Pétuns. Les rumeurs de ces accords arrivèrent jusqu'aux Britanniques et le général Amherst envoya des renforts à Détroit mais il était loin de se douter à quel point la révolte serait étendue et brutale. Le 17 avril 1763, un conseil de guerre se tint à la rivière aux écorces. Pontiac s'adressa aux représentants les persuadant de chasser les Anglais, "ces chiens de tuniques rouges."

L'attaque surprise commença en mai et huit forts britanniques (pris aux Français) sur douze furent pris à l'ouest des Appalaches: Sandusky, Ohio; Saint-Joseph, Mich.; Michillimackinac, Mich.; Miamis, Ind.; Ouiatenon, Ind.; Venango, Pa.; Rivière aux Boeufs, Pa. et la Presqu'île, Pa. Fort Augustus et La Baye-Verte ont été abandonnés par leur garnison. Il ne restait plus que trois forts occupés par les Britanniques: Détroit, Niagara et Pitt (situé près du Fort Duquesne détruit); ceux-ci furent assiégés. Les Ménominis, les Sacs, les Renards et les Puants refusèrent de participer à la révolte et envoyèrent leurs ceintures "wampum" aux Britanniques en signe de loyauté. Il y aurait eu un massacre à Fort Michillimackinac si Charles Langlade et le Père du Jonais n'étaient pas intervenus pour sauver la garnison. Après avoir assiégé Fort Pitt, les Loups, les Chouanons et les Mingos attaquèrent et tuèrent six cents colons anglais. 

Pontiac prit lui-même la responsabilité de prendre Détroit. Il avait l'appui des Poutéouatamis et des Pétuns de Détroit mais il était en face de cent vingt hommes de garnison, de quarante marchands anglais et deux schooners armés. Un assaut aurait coûté trop de vies. Pontiac, accompagné par un groupe de guerriers portant des armes à feu dissimulées sous leurs couvertures, entra dans le fort et demanda à rencontrer le commandant, le major Henry Gladwyn. Toutefois, celui-ci avait été informé par Catherine, une jeune Odjibouek qui était sa maîtresse. L'entière garnison était prête mais sentant cela, Pontiac ne donna pas le signal d'attaquer. Ils essayèrent deux autres tentatives d'attaques surprises mais les portes restèrent fermées. Les guerriers passèrent au peigne fin la campagne environnante, tuant tous les civils britanniques. 

Durant le siège qui s'ensuivit, Pontiac déplaça son village à l'ouest de la rivière Détroit pour renforcer le siège commencé par les Poutéouatamis et encercla complètement le fort. Gladwyn envoya un schooner à Fort Niagara pour demander de l'aide. Pendant ce temps, le capitaine Campbell et le lieutenant McDougal allèrent au village de Pontiac pour négocier une trêve. Pontiac leur accorda sa protection mais leur interdit de retourner au fort car il avait comprit qu'il y avait un informateur au fort et ses soupçons étaient tombés sur Catherine. Il envoya des guerriers au fort pour aller la chercher. Gladwyn ne put pas les en empêcher, Pontiac ayant les officiers en otages. Elle fut battue mais non tuée. Haïe par son peuple, Catherine devint alcoolique et mourut seule. Un Odjibouek tua Campbell d'un coup de tomahawk pour venger un parent et Pontiac embarrassé par cette affaire aida McDougal à s'évader. Pontiac avait espéré que les Français de Détroit se joindraient à eux dans la résistance mais ceux-ci restèrent neutres. Les Britanniques n'étaient pas les seuls à court de nourriture durant le siège et les guerriers de Pontiac prenaient ce dont ils avaient besoin aux commerçants français. Pontiac leur délivraient des promesses de paiement notées sur des écorces de bouleau pour leurs dépenses et plus tard, pendant des années, les tribus de Détroit honorèrent ces notes écrites par Pontiac.

Pontiac fut assassiné à Cahokia dans son uniforme français que lui avait donné Montcalm. Un marchand britannique de la ville avait payé une barrique de whisky un guerrier pimitoui pour tuer le chef outaouais d'un coup de tomahawk dans la rue.

1. Ce fut la première guerre bactériologique de l'histoire. Bien avant le vaccin de Jenner, les paysans connaissaient le principe de la vaccination anti-variolique. Le principe de la variolisation, c'est-à-dire l'inoculation de la maladie sous une forme bénigne protégeant l'homme de sa forme grave était très répandu. 

Voir:  http://perso.club-internet.fr/jgourdol/Medecins/MedecinsTextes/jenner.html

2. Pontiac est le nom francisé d'Obouandiyag.

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