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LES ILLINOIS FRANÇAIS 2ème PARTIE

Bien que les quantités de fourrures augmentaient à Montréal, tout n'était pas parfait. L'accroissement du commerce aggravait l'entassement de réfugiés dans le Ouisconsin (Wisconsin) lesquels rivalisaient dans la chasse pour fournir les fourrures aux Français. La région s'épuisait en ressources et poussait les chasseurs vers l'ouest. Cela conduisait à la guerre entre les réfugiés et les Sioux dakotas. 

Ajoutant à la tension, les Outaouais, les Hurons1 et les Poutéouatamis préféraient être intermédiaires et allaient vendre directement aux marchands français à la Baye-Verte (Green Bay) et à Sault-Sainte-Marie. La situation empira après que les Français aient arrangé une trêve entre les Dakotas et les Odjiboueks en 1680 et commercèrent directement avec les Dakotas. Les Français ne se firent pas aimer des tribus indiennes du Wisconsin en armant leurs ennemis et des marchands français furent souvent volés ou assassinés. 

Malgré ceci, les Français établirent des postes commerciaux permanents et des missions dans le Wisconsin et utilisèrent leur pouvoir d'assumer le rôle de médiateur dans les différents ou les guerres entre les tribus indiennes des Grands Lacs.

Les Illinis au début, commerçaient avec les Français à la Baye-Verte  et rejoignaient les tribus réfugiées dans leurs guerres contre les Dakotas (ennemis des Illinis).

L'explorateur et Jésuite Marquette avait développé une amitié pour les Illinis après son voyage sur le Mississipi. Il était déterminé à établir une mission chez eux. Les préparations commencèrent après son retour à Saint-Ignace (Mackinaw) et en 1674, il partit vers les villages illinis. Rattrapé par l'hiver, il s'arrêta à l'embouchure de la rivière Chicago où il tomba malade. Au printemps, il alla d'urgence au grand village des Illinis (Grand Kaskakia) près d'Utica où il fonda sa mission. Sa maladie devenant sérieuse, il fut obligé de retourner à Saint-Ignace. Il mourut en route et fut inhumé sur la rive est du lac Michigan à l'embouchure de la rivière Marquette. Ses ouailles outaouaises de Saint-Ignace visitèrent sa tombe quelques années plus tard et comme l'exigeait leur coutume, ils prirent ses os et les emmenèrent à Saint-Ignace.

Les Jésuites avaient été témoins de la dévastation et de la corruption parmi les Hurons causées par le commerce des fourrures et ils craignaient que cela s'étendît aux autres populations indiennes de l'intérieur. Leurs protestations à Paris restaient sans réponses et créèrent un différent entre le roi Louis XIV et le Vatican en 1673. Les missionnaires firent un comité pour arrêter l'expansion du commerce des fourrures mais ils échouèrent. Leur plus sérieux adversaire était Louis de Buade, comte de Frontenac qui devint gouverneur du Canada en 1672. Frontenac fut un piètre administrateur mais un grand défenseur de l'expansion française. Son protégé était René-Robert Cavelier, Sieur de La Salle.

Bien qu'éduqué en France par les Jésuites, La Salle devint leur pire cauchemar dès son arrivée en Nouvelle-France en 1666. En 1669, il partit explorer la vallée de l'Ohio pour ouvrir de nouvelles régions au commerce. Quand de Frontenac fit construire Fort Frontenac (Kingston, Ontario) en 1675, La Salle en fut le commandant. Il se rendit en France en 1677 comme représentant personnel de Frontenac et recruta un soldat italien de fortune nommé Henri de Tonti. Il retourna au Canada en 1678 avec la mission royale d'explorer les régions s'étendant à l'ouest de la Nouvelle-France et d'y établir des postes commerciaux. L'année suivante, il construisit Fort Conti près des chutes du Niagara et un vaisseau, le "Griffon" qui sera le premier bateau à naviguer sur le lac Érié. Avec l'avantage de ce mode de transport, La Salle changea l'itinéraire traversant les lacs du sud menant à Fort Frontenac et l'ancienne route de la vallée de l'Outaouais qui approvisionnait en fourrures Montréal. Inutile de dire que cette innovation reçut une forte opposition de la part des marchands de Montréal, des commerçants français de la Baye-Verte et des Jésuites. Toutefois, avec le soutien de Frontenac, ils ne pouvaient pas arrêter légalement son action et la Nouvelle-France fut bientôt divisée en deux camps commerciaux hostiles.

L'attention de La Salle se tourna vers le pays des Illinis lequel, à cause de la distance à parcourir depuis la Baye-Verte était inexploité. Après avoir attendu impatiemment pendant des années l'arrivée des Français, les Illinis purent enfin se procurer des biens. La rivalité entre les marchands français était aussi traîtresse que celle des tribus indiennes. Prenant avantage de l'animosité traditionnelle entre les Miamis et les Illinis, les Français de la Baye-Verte en 1679, encouragèrent les Miamis et les Mascoutins à s'établir près de Chicago pour bloquer le transport entre la rivière Illinois et le lac Michigane. Le chef mascoutin Manso prétendit même qu'il parlait au nom des Iroquois et mettait en garde les Illinis pour qu'ils n'autorisassent pas La Salle à établir des postes sur leur territoire. La Salle accompagné par le père Louis Hennepin, Henri de Tonti et environ trente hommes dont beaucoup étaient des Abénaquis, construisirent Fort Crèvecœur dans le haut Illinois durant l'hiver de 1679. 

Il serait peu de dire que les Illinis accueillirent La Salle et ses hommes à bras ouverts. Ils rapprochèrent leurs villages du fort, mais cette concentration d'ennemis potentiels des Iroquois du New York inquiétaient les Français. La paix avec ceux-ci  durait depuis treize ans parce que les Iroquois étaient engagés dans une longue guerre avec leur dernier rival parlant l'iroquois, les Andates (Susquehannock) en Pennsylvanie. Quand celle-ci se termina, leur attention se porta encore vers l'ouest et ils s'inquiétèrent de la nouvelle installation des Français. Après l'arrivée de La Salle, les chasseurs illinis se déplacèrent vers l'Indiana, l'Ohio et le bas Michigan (territoires revendiqués par les Iroquois) et tuaient tous les castors qu'ils pouvaient trouver, même les jeunes rongeurs et ceux-ci risquaient de disparaître. Mais les Iroquois cherchèrent la paix et eurent recours à la diplomatie pour résoudre le problème et le chef tsonnontouan Annanhaa rencontra les Illinis dans un village outaouais près de Mackinac. Une querelle survint et les Illinis assassinèrent Annanhaa. Après cet évènement, la paix devint impossible.

La seconde phase de la guerre des castors commença. Les Tsonnontouans réunirent cinq cents guerriers et partirent vers l'ouest pour donner une leçon aux Illinis qu'ils n'oublieraient jamais. Ils ajoutèrent cent guerriers miamis en cours de route et allèrent vers Grand Kaskakia et Fort Crèvecœur. Une aussi grande armée ne pouvait pas passer inaperçue et les Illinis en furent avertis. La Salle avait quitté Fort Crèvecœur au printemps pour commencer la construction d'un nouveau bateau pour remplacer le "Griffon" qui avait coulé dans une tempête. Il avait laissé de Tonti en charge du fort. La plupart des hommes du fort désertèrent quand ils apprirent l'arrivée des Iroquois, laissant de Tonti sans recours pour défendre le fort. 

Des Illinis choisirent la retraite à l'ouest du Mississipi, mais cinq cents guerriers qui avaient reçu cent fusils donnés par les Français restèrent. Avec seulement quatre cents cartouches de munition, c'était pure folie! De Tonti le savait et avait envoyé des messagers aux Caouquins (Cahokia) leur demandant de l'aide mais ceux-ci avaient une fête religieuse à observer et ne répondirent pas. Les Illinis attaquèrent en embuscade dans un lieu entre la rivière Illinois et la rivière Vermillon mais les Iroquois se regroupèrent, continuèrent leur avance et finalement arrivèrent à Grand Kaskakia en septembre. De Tonti, appelé "main de fer" par les Illinis, essaya d'intervenir avec la solution de la dernière chance et marcha hardiment vers le champ de bataille en agitant sa ceinture "wampum"1 pour négocier une trêve. Un guerrier iroquois le poignarda et il tomba au sol dès le début de la bataille. Les cinq autres Français qui étaient restés le saisirent et l'emmenèrent loin de là. Après avoir gagné le lac Michigan, ils allèrent à La Baye Verte mais les Français de cet ville ne furent pas compatissant et ne prirent pas à cœur les problèmes de leurs compatriotes des Illinois. De Tonti et ses hommes auraient été privé de nourriture cet hiver-là si les Poutéouatamis, en colère contre les Français de La Baye-Verte à cause de leur relations commerciales avec les Dakotas, ne les avaient pas nourri.

Malgré les défections, le nombre de guerriers des deux côtés était pratiquement le même et la bataille pour Grand Kaskakia dura huit jours. A la fin, la supériorité du feu des Iroquois prévalut. La ville fut envahie par des guerriers sans pitié et les Iroquois se montrèrent cruels. Les prisonniers furent torturés et brûlés vifs. Avant la bataille, les Illinis avaient envoyé leurs femmes, les enfants et les vieillards en aval de la rivière à six miles de distance pour se cacher sur une île. Les Iroquois les trouvèrent et un grand massacre s'ensuivit. Après avoir terminé leur travail de mort, les Tsonnontouans s'en allèrent. Quand La Salle fut de retour en décembre, le sol était jonché des restes de milliers d'Illinis. Hommes, femmes et enfants... Pas un ne fut épargné. 

En juin 1681, de Tonti se remit de ses blessures et rejoignit La Salle à Mackinac. Toutefois, il n'était pas possible de retourner dans les Illinois parce que les parties de guerre des Tsonnontouans rendaient la région dangereuse en été mais les Iroquois ne s'aventuraient pas si loin en hiver et au mois de décembre, La Salle et de Tonti organisèrent une expédition vers le sud pour reconstruire leur poste des Illinois.

Le printemps suivant, La Salle et de Tonti quittèrent Fort Saint-Louis des Illinois pour explorer le Mississipi. En avril, ils gagnèrent le golfe du Mexique et revendiquèrent toutes ces régions pour le roi de France et celles-ci reçurent le nom de "Louisiane".

Les Illinois devinrent une partie de la Louisiane en 1718 après la réorganisation de l'administration en Amérique du nord. Louis XV accorda une charte et le monopole du commerce à la Compagnie des Indes qui incluait un projet grandiose pour la colonisation de la Vallée du Mississipi. L'idée avait été proposée par John Law et avait l'appui de la noblesse intéressée par des profits rapidement acquis. Avant que cet enthousiasme ait été étouffé par une frénésie spéculative en 1720, les premiers colons français arrivèrent à Kaskakia et la construction de Fort de Chartres et d'un poste commercial commencèrent. A côté de ce petit établissement qui se développa près de la mission Sulpicienne, Cahokia, Kaskakia et Sainte-Geneviève de l'autre côté du Mississipi dans le Missouri, étaient le centre de l'occupation française dans les Illinois jusqu'à la fondation de Saint-Louis en 1763. Les Kaskakias et les Michigaméas devinrent vite Catholiques grâce à la présence des missions Jésuites et de la population française. Il y eut beaucoup de mariages entre les deux communautés. Les Jésuites, toutefois, n'eurent pas de succès avec les Pimeteouis (Peoria)*qui choisirent de rester dans le nord à l'état "sauvage".

Une trêve était conclue entre les Français et les Renards en 1716 pendant la guerre des Renards mais ceux-ci continuaient à attaquer les Pimeteouis avec férocité. En 1722, les Illinis capturèrent Minchilay, le neveu du chef renard Oushala et le brûlèrent vif sur un bûcher. Les Illinis n'étaient pas aimés par leurs voisins et les Renards n'eurent pas de problèmes à recruter des Quicapoux, des Mascoutins et des Puants comme alliés. Moins nombreux, les Pimitouis se cantonnèrent dans leur forteresse naturelle dans le site de l'ancien Fort Saint-Louis des Illinois et envoyèrent des messagers aux Français de Kaskakia pour avoir leur aide. Les Renards les encerclaient mais la position était imprenable et ils perdirent beaucoup de guerriers dans l'assaut. Les Français et les Illinis rassemblèrent une armée de secours à Fort de Chartres et allèrent au nord pour secourir les Pimitouis. 

Les Renards se retirèrent avant qu'ils arrivent mais laissèrent cent morts derrière eux. A l'ouest du Mississipi, les Renards avait commencé aussi une guerre avec les Osages et les Missouris qui interrompaient le commerce avec les Français le long du Missouri. Ceci obligea les Français à tenir des assemblées en 1723 pour arranger la paix entre les Canzes, les Panas (Pawnee), les Padoucas (Comanche), les Nakotas (Sioux), les Osages, les Missouris, les Otoctatas (Ottoe), les Ayoés (Ioway), les Renards et les Dakotas. Ces assemblées eurent du succès mais de nouvelles batailles survinrent le long de la rivière des Moines dans le sud-est de l'Iowa entre les Renards et les Ayoés d'une part et les Osages et les Missouris d'autre part. Les Renards profitèrent de ces assemblées pour s'allier avec les Dakotas dans le but de combattre les Illinis.

L'alliance soudaine entre les Renards et les Dakotas amenèrent les Français en 1726 à organiser une expédition punitive contre les Renards commandée par Desliettes; celle-ci composée de vingt soldats français et cinq cents Illinis qui avaient été réunis à Fort de Chartres. Toutefois, les Renards se retirèrent avant que les deux colonnes puissent les attaquer et laissèrent les Français frustrés. A leurs assemblées l'année suivante, les Français firent une proposition de guerre jusqu'à l'écrasement des Renards. La colère contre eux était si grande que cette proposition n'eut pas d'objection de la part de leurs alliés. Cette proposition fut approuvée par le roi en 1732.

*Les Pimitouis, les Illinis et les Miamis parlent la même langue et sont pratiquement le même peuple.

1. Les Hurons étaient appelés aussi en français les Gens du Pétun parce qu'ils cultivaient du tabac.

2. Une ceinture wampum est un ornement indien porté à la ceinture qui témoigne d' un évènement important.

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